Paris XII et l'International, Novembre 2009

Publié le par JLB

 
Le triangle de Choisy, ou la création d’un Chinatown à Paris


            Au lendemain des jeux olympiques de Pékin qui on consacré symboliquement l’influence chinoise dans le monde,  toute métropole internationale qui se respecte abrite au moins un quartier chinois. Paris n’échappe pas à la règle. C’est dans le 13e arrondissement que se trouve le plus imposant Chinatown de la capitale.  C’est sur une surface de taille modeste mais dense qu’est situé l’actuel plus important quartier asiatique d’Europe en terme de nombre d’habitants. Il se situe sur une surface triangulaire, aussi appelée Triangle de Choisy entre Place d’Italie, Porte d’Italie et porte d’Ivry.

 

 

           La première vague d’immigration sud-est asiatique remonte à la première guerre mondiale. La France, qui doit faire face à une pénurie de main d’œuvre, utilise ces populations pour pallier à ce problème. Ce sont au total  plus de 100 000 chinois et 50 000 Vietnamiens qui viennent travailler dans les usines d’armement françaises.  Même si la majorité d’entre eux retournent chez eux  une fois la guerre finie. Certains décident de rester et, pour une partie d’entre eux, se  regroupent autour du quartier de la gare de Lyon, à Paris.


         Ce quartier, qui a depuis disparu au profit de tours de bureaux, n’a pourtant pas autant marqué les esprits que le quartier asiatique du 13e arrondissement. Celui-ci a pourtant pris forme principalement ,plus tard, dans les années 1970.

On rapplera tout de même que dans les  années 1920 des étudiants chinois avaient créé dans le 13 éme arrondissement la section française du Parti Communiste Chinois avec Zhou En Lai 周恩來


L’Asie du Sud-est connait alors des troubles politiques importants. (guerres au Laos et Viet-Nam et guerre au Cambodge). Certains des habitants émigrent alors vers la France, ancienne puissance coloniale  de la région, pour fuir les persécutions.  Au même moment, à Paris, de nombreux quartiers sont rénovés. Le Quartier de la Gare  fait parti de ces quartiers totalement reconstruits. La politique des grands ensembles est un échec commercial flagrant. : La clientèle ciblée - les jeunes cadres – n’est pas séduite par ce  nouveau quartier en plein Paris. L’importante vague d’immigration sud-asiatique va alors rapidement s’approprier le quartier.Parmis ces personnes les communautés chinoises persécutées dans ces pays . Leurs régions d'origine (surtout Sud de la Chine ) explique que beaucoup parlent le teochew et le cantonnais.

            Tentons ici de comprendre comment cette communauté s’y est prise.  Force est de constater que le facteur économique a eu un rôle décisif dans la constitution de ce quartier. Nous observerons ensuite l’attitude de ses habitants avec le reste de la société.

 

            Le facteur économique joue un rôle central dans la constitution d’un quartier asiatique et l’intégration de sa communauté dans le pays d’accueil. Que ce soit en Europe, en Amérique du nord ou en Asie du Sud-est, partout on constate des similitudes dans le processus de constitution du quartier chinois : En premier lieu un noyau s’installe dans un quartier à fort potentiel de densité démographique. Une fois celui-ci constitué, de riches investisseurs ouvrent des établissements de taille importante (restaurants et supermarchés notamment). Ils font  venir leur famille qui y sert de main d’œuvre dans un second temps. La création d’emplois attire par la suite la communauté asiatique dans son ensemble. La Création et la prospérité d’entreprises comme Tang frères  (créée par les frères Rattanavan, Bou et Bounmy ) et Paris Store illustrent bien ce processus dans le 13e arrondissement. Ces grands investisseurs sont pour l’essentiel d’origine chinoise. Cet aspect est important à relever dans l’organisation économique de la communauté asiatique et les raisons de sa prospérité : il y a une spécialisation professionnelle par communauté nationale.

            En effet, on observe une spécialisation professionnelle par pays d’origine. La communauté chinoise constitue l’essentiel des apports de capitaux dans l’économie de la communauté asiatique. Les Cambodgiens,  qui ont faible capacité économique, s’installent dans les espaces économiques chinois en tant que consommateurs et, au mieux, commerçants spécialisé en produits culturels khmers. Laotiens, Thaïlandais et vietnamiens fournissent de la main d’œuvre dans la restauration et la confection. Les vietnamiens se sont  également investis dans le tertiaire et le secteur des technologies. Ces choix sont très largement conditionnés par l’expérience des groupes pionniers de chaque communauté. Cette diversification des activités par communauté est délibérée et a un but : elle renforce l’influence et l’autonomie de la communauté asiatique. Dans ce panorama la suprématie économique chinoise est incontestable depuis les années 1990. C’est particulièrement le cas dans le 13e arrondissement. La stratégie commerciale des chinois basée sur la concurrence des prix et le rachat de supermarchés détenus auparavant par des nationaux en est un exemple dans le 13e arrondissement.

            Le quartier chinois du 13e arrondissement, plus que n’importe quel autre quartier asiatique de l’agglomération parisienne, est largement dominé par la communauté chinoise. L’importante présence d’une main d’œuvre polyvalente alimente les supermarchés et les restaurants. Les patrons  chinois possèdent la majorité des grands restaurants spécialisés en nourriture vietnamienne, laotienne, thaïlandaise et japonaise.

            Une organisation économique asiatique existe donc clairement dans la société et elle est particulièrement visible dans le 13e arrondissement. Mais elle ne se cantonne pas à un aspect exclusivement économique.

            Un particularisme culturel est entretenu pas la communauté asiatique. En préalable il est important de souligner le fait que nous ne sommes pas face à un modèle à l’anglo-saxonne. Le quartier chinois du 13e arrondissement n’est pas une enclave/ une ville dans la ville totalement hermétique au reste de l’agglomération. La vie dans le quartier chinois du 13e arrondissement est rythmée par les traditions, la culture et l’organisation sociale chinoise. L’importance grandissante du nouvel an chinois est la pour l’illustrer. L’ « aspect asiatique »  du quartier est indéniable : Devantures de magasins et publicités en chinois par exemple. Les toits en forme de pagode qui couvrent les boutiques de la dalle des Olympiades viennent renforcer ce sentiment (ce dernier aspect est un pur hasard !). Il faut noter au passage que la communauté asiatique, malgré sa forte représentation, est quand même minoritaire dans le Quartier de la Gare.

            Cependant la volonté d’intégration à la société française est forte mais elle n’est pas conçue selon la même conception que celle des français. Elle n’est pas individuelle mais collective. Cette forme d’intégration s’illustre parfaitement à travers l’échec systématique des Politiciens, de droite comme de gauche, à récupérer l’électorat asiatique.  Ce n’est pas l’individu d’origine chinoise mais sa communauté qui s’intègre à la société. Cette intégration a d’ailleurs été beaucoup plus rapide que pour d’autres communautés. On peut noter cependant des nuances en fonction des origines nationales : alors que les Chinois  conservent les particularismes de leur communauté, les vietnamiens effectuent une rupture radicale avec leur culture d’origine et s’intègrent totalement à la société française.

 

            Le  quartier chinois est donc le fruit d’une construction délibérée de la part de la communauté asiatique. Celle-ci est dans un premier temps impulsée par des facteurs économiques. Cette  construction solidaire n’a pourtant pas une finalité communautariste mais d’intégration collective à la société française. Aspect au premier abord difficile à percevoir à la vue d’un quartier comme celui du triangle de Choisy.

 

  N. B.

 

 

Bibliographie :

 

·        LE HUU Khoa, L’immigration asiatique : économie communautaire et stratégies professionnelles, Paris, CHEAM, 1996

·        BANASSAT Michel, Chinatown les mystères et les splendeurs d’une cité interdite à Paris, ADTL, DL, 2006

·        LANGLOIS Gilles-Antoine, 13 e arrondissement une ville dans Paris, Paris, Délégation à l'action artistique de la Ville de Paris, 1993

Nicolas  Bonefille

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