LA FIN DES CORRIDAS EN CATALOGNE : UNE HISTOIRE DE TAUREAUX POLITIQUE ET SOCIALE

Publié le par JLB

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

LA FIN DES CORRIDAS EN CATALOGNE : UNE HISTOIRE DE TAUREAUX POLITIQUE ET SOCIALE  

Les parlementaires catalans ont voté l’interdiction de la tauromachie sur leur territoire à compter de 2012. De quoi raviver les tensions entre Catalans et Espagnols.  

Petit tour d’horizon des différents arguments présents dans la presse espagnole et française. 

Le monde taurin espagnol a défendu la "liberté" d'assister aux corridas dimanche 1er août lors de la première course organisée à Barcelone après l'interdiction de la tauromachie à partir de 2012, votée mercredi 28 juillet par le parlement de Catalogne (région autonome du nord-est du pays) 68 votes contre 55. Le jeune torero espagnol Miguel Tendero a pour sa part gracié un taureau en raison de sa bravoure et obtenu les deux oreilles et la queue symboliques lors de cette corrida dont il partageait le cartel avec deux autres matadors espagnols, Curro Diaz et Juan José Padilla. 

La tauromachie et l’histoire de l’Espagne sont liées depuis son essor au début du 8ème siècle. Mille trois cents ans plus tard, la tauromachie est adulée par les uns mais critiquée par les autres. Un fait reste aujourd’hui incontestable: Elle ne déplace plus autant les foules qu’auparavant en Espagne. Pourtant, cette tradition occupe encore une large place dans d’autres pays d’Amérique latine ou encore au Portugal et dans le sud de la France en Europe. Cette pratique soulève de nos jours un problème éthique. POURQUOI MARTYRISER ET TUER ?Il faut donner sa juste valeur au fait qu’un homme peut être capable d’affronter un taureau et créer de l’art, affirme José Calvo torero; l’engouement de cette fête nationale repose là-dessus”.   

Entre tradition, art, boucherie… La tauromachie ne fait donc plus l’unanimité 

Les sympathisants anti-corridas espagnols (et français) ne sont pas du même avis. Et ils campent sur leur position. Pas de doute, pour eux, les gens qui ont payé un billet pour une corrida, viennent assister à un vrai spectacle. “Certains sont perturbés par une vérité qu’on n’aborde pas et qui est la mort, affirme Fernando Gracia, professeur de tauromachie. C’est quelque chose qui nous accompagne toujours. C’est comme si les gens voulaient toujours cacher la mort, c’est stupide”. Mais les partisans de l’abolition peuvent s’appuyer sur un sondage Gallup datant de 2006, qui montre que 72% des espagnols ne sont pas intéressés par les corridas. Ce pourcentage monte à près de 82% chez les jeunes de 15 à 24 ans. De quoi fragiliser un peu plus la pratique de la tauromachie. Un secteur déjà en perte de vitesse : il génère environ 40.000 emplois et plusieurs milliards d’euros de revenus chaque année mais il subit de plein fouet les effets négatifs de la crise économique. 
 
 
 

Les conservateurs s’insurgent, les anti-corridas jubilent

(Sélection de la revue de presse de Courrier International) 

Cette décision a déclenché  un vent de polémiques. Alors que les anti-corrida se réjouissent de cette décision, la presse conservatrice espagnole s'insurge contre ce qu'elle perçoit comme une atteinte aux traditions nationales. "On parle de taureaux, mais c'est l'Espagne dont il est question", titre ABC dans son édition du 28 juillet. Pour le quotidien conservateur, ce vote historique signifie bien plus que la fin d'une tradition folkorique. "Associer la corrida avec la culture et l'histoire de l'Espagne n'est pas un 'espagnolisme', mais une évidence." L'enjeu est donc bel et bien politique, et le journal fustige ce qu'il considère comme un "nettoyage culturel" de la Catalogne par les nationalistes locaux.

El Periódico de Catalunya juge ces arguments "malhonnêtes" et accuse les conservateurs d'essayer de détourner la question des corridas. "Ce qui est vraiment en jeu est un choix moral, de respect pour la vie, d'horreur envers une activité où les hommes se divertissent en torturant des animaux. Et ce choix est approuvé par des Catalans et des non-Catalans, des Espagnols et des étrangers." Le journal catalan analyse également l'évolution du débat, depuis le lancement fin 2008 d'une pétition citoyenne. À l'époque, l'initiative législative populaire de l'organisation Prou ("assez" en catalan) en faveur de l'interdiction des corridas en Catalogne avait recueilli 180 000 signatures, avant que le sujet ne soit inscrit à l'ordre du jour du Parlement. Les arguments avancés par chaque camp étaient alors de deux ordres : "la souffrance des animaux d'un côté, et le poids historique et culturel de l'art tauromachique de l'autre. Un an et demi après, la controverse a changé de sujet", rapporte El Periódico de Catalunya. Le journal constate qu'il s'agit aujourd'hui surtout d'un débat politique guidé par des arguments préélectoraux.

El País  relève néanmoins une incohérence dans le débat : le fait que la question des "correbous", ces courses de taureaux très populaires dans le sud de la Catalogne, ait été délibéremment écartée du vote parlementaire. Jusqu'à présent, aucun parti politique, pas même les nationalistes catalans, n'a osé remettre en cause cette pratique centenaire, alors que des animaux subissent des formes de maltraitance pendant ces manifestations. Et si, dans certains villages, la tradition veut qu'on mette le feu aux cornes des bêtes, ses défenseurs répliquent que "ces taureaux ne sont pas tués, ce qui rend la pratique acceptable." Dès qu'il est question de tradition, on voit bien que la politique n'est jamais très loin.  

A mort la corrida ? Les Espagnols n’ont pas encore dit leur dernier mot !

(Sources : Lefigaro.fr, afp) 

En Espagne, les défenseurs de la corrida ont donc dénoncé les arrières pensées politiques du débat, liées au régionalisme catalan. Pour ABC.es, interdire la corrida dans ce contexte de revendication identitaire, c'est avant tout bannir de Catalogne un symbole de la culture espagnole. Le milieu taurin espagnol, comme l'opposition conservatrice de droite, estime en effet que la tauromachie a été prise en otage par les indépendantistes et nationalistes catalans, qui ont interdit, selon eux, la corrida en Catalogne en tant que "symbole" de l'Espagne. "Tout cela a un fond politique, qui cherche à séparer la Catalogne de tout ce qui est l'Espagne", a déclaré le matador Juan José Padilla au quotidien El Mundo.

Phénomène inattendu quoique prévisible : plusieurs régions, dont Madrid, envisagent désormais d'inscrire la tauromachie à leur « patrimoine culturel » pour protéger cette tradition. Et les pro-corridas ont dans leur camp un allié de poids : le roi Juan Carlos, qui a réaffirmé son soutien à la cause il y a quelques semaines.

Selon un sondage publié  dimanche par le quotidien El Pais, 60 % des Espagnols (contre 37 %) disent ne pas apprécier les corridas, mais 57 % d'entre eux se prononcent contre son interdiction. Ils sont par ailleurs 58 % à estimer que ce vote vise les corridas en tant que "fiesta exclusivement espagnole", plus que la maltraitance contre les taureaux (36 %), une enquête de l'institut Metroscopia. Le Parti populaire d'opposition (PP, droite) affirme que l'interdiction, appuyée par les parlementaires catalans indépendantistes et nationalistes,  est une mesure politique et "anti-espagnole", en réaction notamment au débat sur le nouveau statut d'autonomie de la Catalogne.

Simon Casas, directeur des arènes de Nîmes interrogé dimanche par leJDD.fr, assure que la culture taurine est "inaltérable". Ce vote va, selon lui, assurer l'avenir de la corrida. 
« Dans l'histoire des peuples, c'est sous l'effet de l'agression que les choses se stabilisent et se renforcent. Cet épisode va adapter la tauromachie aux besoins de notre époque. »
 

 

En France…

(Source : Lefigaro.fr) 

Après l'abolition votée par le Parlement catalan , les «anti-corrida» français espèrent pouvoir profiter des conséquences. «Voilà un vote symbolique qui préfigure ce qui va arriver en France dans quelques années», s'est félicité la présidente de l'Alliance anti-corrida , Claire Starozinski, contactée par lefigaro.fr. «Cela montre bien que le sentiment anti-corrida grandit au fil des jours, y compris dans notre pays.» 

 

A VOIR 

DÉBAT VIDÉO SUR LE SITE DU FIGARO , figaro.fr  :  

  http://www.lefigaro.fr/lefigaromagazine/2009/04/30/01006-20090430ARTWWW00511-faut-il-hair-ou-adorer-la-corrida-.php  

«De la torture, du business et du sang !», s’exclame Christian Laborde. «De l’esthétique, du romantisme et de l’accomplissement de soi», lui répond Simon Casas. 

Christian Laborde, écrivain et poète, demeure à Pau. «Corrida, basta !» est son 29eme livre, brûlot contre la tauromachie qui fait actuellement scandale sur le Web et les chaînes de TV. (Robert Laffont. )

 Simon Casas a commencé sa carrière comme torero. Eleveur de taureaux et organisateur de corridas, il dirige les arènes de Nîmes. Il a raconté sa passion pour son métier dans «L'Envers de la cape», (Fayard 2008).

 

 

Laura Zéphirin

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